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Un message dans l’assiette…

par Bruno Carroy 25 Mai 2007, 17:45 Adresses gourmandes

Ras le bol de recevoir le courrier postal dans la boîte aux lettres ? Envie de rompre avec la routine ? La solution existe, chez Denis Martin à Vevey, le chantre de la cuisine expérimentale en Suisse. Le plat se nomme « Pigeon voyageur », servi dans une enveloppe fermée à ouvrir avec une paire de ciseaux mis à disposition par la maison…

A l'instar d’ Adrià Ferran du célébrissime restaurant El Bulli, Denis Martin propose un menu avec une vingtaine d’étonnantes « bouchées », pour la plupart issue d’une cuisine dite « moléculaire » : les cuisiniers se transforment en chimistes et jouent à décomposer, recomposer, dissocier, déstructurer, assembler, etc. A l’image par exemple de cette poudre de boudin cryogénisée…

Dans cette approche de la cuisine, les chefs s‘amusent aussi beaucoup avec l’azote liquide, qui permet par exemple de « cuire » un œuf à -196° (Température à laquelle l’azote passe de l’état gazeux à l’état liquide et permet une cuisson par le froid), lequel œuf est servi avec une mouillette de pain d’épices qui dégage force « fumée » lorsqu’on le croque… le plat s’appelle donc « Œuf à la coque à -196° et cigare aux épices ».

Vous l’aurez compris, c’est un spectacle dans l’assiette ! C’est donc dans ce sens qu’il aborder cette approche gastronomique. Toute comparaison avec un repas traditionnel serait vaine. On n’est pas à l’auberge du Cheval Blanc ou au Buffet de la Gare…

C’est donc détendu et curieux, en spectateur, qu’on se laisse aller à différents états d’esprit. Sceptique avec un « Coton effervescent façon tiki », souriant face à un boudin cryogénisé, rassuré en compagnie d’une « Langoustine, yaourt à l’orange et camomille », époustouflé par une « Pomme de terre ratte, lardons, estragon et …billes de pastis », dubitatif devant un « Os à Moelle sans moelle, truffes givrées et spray à l’orgeat », amusé par une « Texture de raifort sans raifort », intrigué par le « Pigeon voyageur », distant avec un « Lard colonata, noix, litchis, chèvre frais à la rose », songeur avec « l’Amande, yaourt lyophilisé, huile d’ail et vieux Modéna », séduit par le « Foie gras de canard aux épices et bonbon liquide à la Granny Smith », etc.

Champagne !
Ce repas, ou plutôt cette expérience gustative, était organisé par la maison Laurent Perrier, dans le cadre d’un atelier « Ultra-Brut », le champagne « non dosé » de la maison.
Un seul champagne pour se mesurer aux vingt créations de Denis Martin, la tache n’était pas simple, voire impossible, mais l’Ultra Brut s’en est plutôt bien sorti, surtout avec les bouchées les plus « solides », tel les « Gambas au gingembre, cacahouètes et huile de coriandre » ou les « Supions fraîcheur peppermint ».
D’ailleurs que servir comme autre vin avec cette succession de goûts et de textures pour la plupart inhabituels ? Oublions tout de suite le vin rouge, ses tanins se sauraient s’intégrer avec une majorité de textures aériennes et de saveurs toniques. Il faut de la fraîcheur, de la présence et de l’esprit…  On part plutôt sur de beaux chardonnays bourguignons (1ers et grands crus) ou des chenins de Loire racés et tendus (voir avec une pointe de sucre résiduel), pour les blancs. Certains chasselas issus des meilleurs terroirs vaudois et valaisans pourraient aussi certainement créer la surprise.
Mais il me semble que le champagne tire mieux son épingle du jeu. Cette cuisine, moderne présente des textures particulières, poudreuses, liquides, évanescentes, sur lesquels le vin manque souvent de point d’appui pour pouvoir s’exprimer avec justesse.
Le champagne, lui-même particulier dans le monde du vin, s’adapte mieux grâce ses petites bulles qui lui permettent, en quelque sorte, de rebondir sur les molécules, de rester centré sur lui-même et finalement de mieux défendre sa place.
Changement de verre…
L’équipe de Laurent Perrier su aussi créer la surprise, à sa façon, avec un changement de verre au milieu du repas.
Après des flûtes élégantes et bien proportionnées pour la dégustation (entre la flûte classique et le verre INAO) nous eûmes droit à de beaux et grands verres Riedel de la nouvelle série VITIS, de forme ballon/ovale, élégamment resserrés vers le haut.
Toujours le même champagne donc, mais pas dans les mêmes verres !
L’idée est la suivante : des verres plus grands et plus larges favorisent l’expressions des notes plus « chaudes » du champagne, permettant ainsi plus d’harmonie avec les « plats » plus consistants que ceux du début de repas.
Et c’est vrai que le champagne se dégustait différemment, il paraissait plus riche et plus aromatique, il se révélait mieux en fait.  C’est une nouvelle tendance qui devrait d’ailleurs suivre son chemin, le champagne est un vin à part entière et mérite certainement de véritables verres à vin !
Une idée pourrait être de proposer une quinzaine de vins différents avec ce menu. Issu d’un véritable travail sur les accords avec les bouchées proposées, ils seraient servis par 2,5 cl, cela ne représenterait au final qu’une demi bouteille par personne. Ce serait passionnant non ? Un peu fou aussi, mais bon, tant qu'à faire !

Ce fût un plaisir de rencontre Denis Martin, qui nous fit le plaisir de faire un petit tour de table en fin de repas. On comprend mieux sa cuisine on croisant le regard pétillant, passionné et facétieux de Denis Martin. C'est important.

Encore un grand merci à Laurent Perrier pour ce moment des plus ludiques.

BC
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